Suite à sa célèbre (tentative de) livraison d’une palette de tomates au Printafix, assortie de multiples préjudices de moindre importance subis par le patron de notre Riton la catastrophe ambulante, ce dernier a du faire face à l’injonction de se trouver un autre employeur, et ce, dans les plus brefs délais.
Travaillant aux « Quatre Saisons » sur le quai Dubourdieu, mes collègues et moi avons eu la douloureuse surprise de voir rappliquer Riton dans le bureau de notre patron, avec l’objectif affiché d’être recruté…
Même si nous l’aimions bien « notre » Riton, nous connaissions aussi ses « hauts faits d’armes » perpétrés chez Dany son ex patron.
Durant tout l’entretien, nous avions retenu notre respiration, en priant tous les Saints pour qu’il ne rejoigne pas notre équipe, parfaitement conscients que nous étions, de ses « compétences » hors du commun et autres éclairs de génie.
C’est en le voyant ressortir du bureau paré de son plus beau sourire, que nous avons compris que ce cataclysme ambulant nous avait rejoint, en clair que le « loup » faisait désormais partie intégrante de la bergerie.
La Scoumoune !
Dès lors un étrange sentiment nous envahit, du genre gros nuage noir fixé au-dessus de nos têtes… d’aucuns appelleraient ça la « Scoumoune »…
Le lendemain, il est deux heures du matin lorsque nous voyons arriver la nouvelle recrue mains dans les poches et Gitane au bec .
Mon collègue Gilbert et moi l’informons du fonctionnement à savoir, les camions arrivent, nous les déchargeons à la main (ce qui est déjà beaucoup moins du goût de Riton…), puis nous préparons les commandes à livrer aux commerçants des Halles, puis celles des clients extérieurs que nous livrons avec un vieux fourgon HY comme celui qui illustre cette publication.
Riton qui n’a pas encore son permis, lorgne alors discrètement vers le vieux fourgon, semblant évaluer l’engin…
Lorsqu’on lui explique que les clés se trouvent en permanence sur le contact, parce que c’est plus pratique pour nous, et parce que personne ne risque de le voler, une lueur d’intérêt émane de son regard, mais nous n’y prêtons pas vraiment attention.
La nuit suivante…
La nuit suivante il est un peu plus de minuit lorsque je traverse le Pont Marengo pour me rendre au magasin, j’aperçois alors au bout de la rue Port de Castets des lueurs bleues tournoyantes qui éclairent les immeubles…
Curieux, je m’approche pour en savoir plus, les dégâts semblent importants, les pompiers arrivent, tous les voisins sont à la fenêtre malgré l’heure tardive, la rue est bloquée et la place des 5 Cantons a des faux airs de Tchernobyl et j’exagère à peine !
Un policier me dit qu’un conducteur (un branque selon ses dires) visiblement éméché a heurté l’échafaudage de 3 étages, provoquant un effondrement partiel, avant de s’éclipser furtivement et surtout sans laisser d’adresse…
Arrivé au magasin, Gilbert et Riton sont déjà là, Gilbert est visiblement au courant, alors que Riton n’a rien vu ni rien entendu, ce qui me surprend quelque peu.
Un peu plus tard, je vais chercher le fourgon qui est garé perpendiculairement à La Nive devant le dépôt du « Bazar ».
Énorme surprise !
C’est là que je m’aperçois que notre bon vieux « HY », mérite plutôt désormais le qualificatif de « HS », en effet tout l’avant droit est enfoncé, et le phare se balance telles les ampoules des guirlandes des Fêtes par vent d’ouest…
Il démarre mais dès que j’essaie de manœuvrer, il émet des crissements, des craquements et autres bruits bizarres dignes des plus grands films d’épouvante Hollywoodiens.
Il est clair que là nous avons un problème, et un gros…
Entendant ce vacarme, Gilbert accourt me demander ce qu’il se passe, Riton en revanche toujours aussi « concentré » poursuit son travail, son attitude me paraît de plus en plus suspecte, là il n’y a pas « anguille sous roche », mais bel et bien « congre sous bloc » !
Il est désormais évident qu’il y a une corrélation entre le cataclysme de l’échafaudage, et l’état désastreux dans lequel se trouve notre pauvre fourgon.
Fernandel n’aurait pas fait mieux
Sachant que ce n’est pas moi, certain que Gilbert, qui est un garçon sérieux n’y est pour rien, je me décide à aller voir Riton qui est toujours curieusement affairé, pour lui poser la question qui me brûle les lèvres…
« Dis-moi Riton, est-ce qu’à tout hasard tu aurais quelque chose à voir avec l’état du fourgon et de l’échafaudage ? »
Profitant de mon « à tout hasard » qui laisse entrevoir un doute, il me dit d’un air aussi hautain qu’interrogatif…
« C’est-à-dire ? »
« C’est-à-dire… est-ce toi qui a démoli l’échafaudage et le HY ? »
Là, tel Fernandel dans le Shpountz, notre Riton passe d’interrogatif à carrément outré, choqué, offusqué…
« Quoi ??? Moi ??? Mais jamais de la vie !!! Je n’ai même pas le permis !!! Tu me connais ! Jamais ! Impossible ! Ce n’est pas moi ! »
Il semble tellement sincère que je m’en veux presque de lui avoir posé cette question, mais tout de même le doute subsiste, car le spécimen n’en est pas à son coup d’essai, il se positionne même en tête du Top 3 des responsables des plus grosses catastrophes perpétrées par les ripeurs sur le carreau des Halles.
Riton n’avait pas son permis mais il faut savoir qu’à l’époque la plupart des employeurs du carreau des Halles demandaient juste si on avait le permis, sans demander le document, sauf pour les poids lourds qui eux faisaient de la route.
Arrivée du patron…
Jacky le patron arrive, constate les dégâts et lance immédiatement un regard suspicieux à l’adresse de Riton (alors que nous ne lui avons rien dit) lui aussi a comme une espèce d’intuition… mais aucune preuve…
Riton ayant croisé son regard soupçonneux et paraissant blessé au plus profond de sa personne, façon tragédie grecque, ne nous adresse carrément plus la parole de la nuit.
La facture est lourde pour Jacky et pour l’entreprise propriétaire de l’échafaudage, car le responsable des faits n’a jamais été découvert.
Le dénouement de l’affaire…
C’est une bonne dizaine d’années plus tard que j’obtins le fin mot de l’histoire, lors d’un repas à la maison ou Riton faisait partie des convives…
Histoire de le titiller un peu, mais aussi de tenter de résoudre la « fameuse affaire du HY », je m’aventurai à lui poser la question une nouvelle fois…
Et là, prescription oblige, sa réponse fût immédiate :
« Bien sûr imbécile que c’est moi qui suis allé faire un tour avec le HY, mais tu vas pas me dire qu’ils avaient besoin de me planter un échafaudage presqu’au milieu de la rue, je l’ai vu au dernier moment mais… c’est quand même passé !!! »
« Et pourquoi tu n’as rien dit ? »
« Écoutes, je venais juste de me faire virer de chez Dany, j’avais pas envie de tenter le doublé en 48h ! »
Mais il finit par réussir son « doublé »
Riton finit quand même par quitter l’établissement quelque temps plus tard, là encore contre son plein gré et toujours avec perte et fracas, mais ça c’est une autre histoire que je vous raconterai…
En conclusion le sobriquet de « Riton la catastrophe ambulante ! » était tout sauf usurpé…
IMPORTANT
Si vous aussi avez des anecdotes ou de témoignages que vous souhaitez partager, contactez-moi directement : andre@bayonnades.fr
Parlez-en autour de vous et aidez-nous à recueillir cette part de notre patrimoine que nous nous devons de transmettre.
Je vous en remercie vivement par avance !
Vous venez de lire “Riton la catastrophe ambulante !”
Si cette publication vous a plu, n’hésitez pas à le partager, c’est l’objectif premier des Bayonnades… le partage !
ABONNEZ-VOUS C’EST GRATUIT ! (Haut de la colonne de droite)