Nul
n’est besoin d’habiter un port de pêche pour devenir pêcheur, c’est le genre de
devise qu’auraient pu déclamer 4 Bayonnais véritables accros du bouchon et du
moulinet.
Même s’il leur arrivait (rarement) de changer d’emplacement, chacun d’entre eux avait son lieu de prédilection, et tous voyaient d’un (très) mauvais œil l’arrivée de « touristes » canne à pêche en main…
Je
précise tout de suite qu’étaient considérés comme touristes tout « concurrent »
provenant d’un périmètre extérieur au carreau des Halles… et j’exagère à peine
!
En la matière le plus virulent des quatre pouvait prendre jusqu’à 5 points de tension (à minima) rien qu’à la vue d’une canne autre que les siennes…
Milou
Toujours discret, cet homme assez grand et mince au dos légèrement vouté par une rude vie de labeur et le poids des années, aimait plutôt se rendre sur le pont Marengo à la marée montante.
Equipé
de ses deux « lancers lourds » comme on les appelait alors, il avait pour
habitude d’accrocher à ses hameçons des lanières de chipirons qu’il avait
soigneusement découpées au préalable.
Gamin,
je l’ai observé durant de longues années dans l’espoir de lui soutirer quelque
astuce qui me permettrait d’attraper d’aussi gros poissons que lui.
Je
sais que sa fille suit cette page, si elle a des anecdotes, je suis preneur…
Bijoutier de la rue Pannecau
A l’opposé de Milou, c’est-à-dire sur le pont Pannecau, le bijoutier de la rue du même nom, œuvrait de la même façon, même matériel, mêmes appâts, même objectif, même marée montante.
Ce qui
me fait sourire c’est que Milou et le bijoutier (dont j’ai oublié le nom) ont
péché durant des années sur « leurs » ponts respectifs, sans quasiment jamais
se voir puisqu’ils suivaient tous les deux le sens du courant.
Quoi
qu’il en soit, le résultat était probant puisque ses captures n’avaient rien à
envier à celles des autres cadors de la place.
Luisito
Alors
lui, je le considérais comme un phénomène, de petite taille, la peau tannée par
le soleil et toujours vêtu de sa chemise multicolore à gros carreaux.
L’été
vers 12h30, Luisito se postait toujours sur le quai devant les Halles, cet
emplacement faisait partie intégrante de sa stratégie (payante).
En
effet dans les anciennes halles les étals de poisson se trouvaient au 1er
étage, les poissonniers avaient pour habitude avant de fermer, de jeter à la
Nive les abats et autres déchets de poisson.
Il va
sans dire que cette manne attirait tous les poissons dans un rayon de 30kms,
bon d’accord un peu moins peut-être.
Et
c’est là que notre Luisito entrait en scène, il utilisait une longue canne à
bouchon. Pour l’avoir très souvent observé, je me souviens même que le dessus
de son bouchon était rouge et blanc.
Il appâtait au thon…
Pour cela il suffisait d’acheter une tête (de thon) aux poissonniers qui la vendaient alors 1 Franc (Maison Peyroutet par exemple).
Là
commençait le festival ! Des muges d’un, voire deux kg, bref les plus gros du
secteur se ruaient sur son hameçon, d’un geste vif et précis il les accrochait,
et en fonction de leur taille les remontait de suite ou patientait un peu pour
les fatiguer.
Mais
il arrivait que ce soit une louvine qui se fasse prendre, alors là, c’était un
véritable festival, Luisito usait de toutes sa technique pour ne pas la perdre,
pendant qu’un des « spectateurs » se saisissait d’un trapiaud pour l’aider à la
capturer, ça c’était à marée haute, à l’inverse, c’est-à-dire à marée basse, il
y avait toujours quelqu’un pour descendre dans les rochers via l’échelle qui se
trouvait à l’angle du pont Pannecau, l’intéressé se donnant pour mission tant
de prestige qu’à hautes responsabilités, d’aller récupérer dare-dare le
précieux trophée.
Au
plus fort de l’excitation, certains ont bien failli passer à l’eau.
D’autres
ont « fait perdre » le poisson à Luisito, les représailles ont été immédiates…
Bref des moments épiques dignes de notre illustre Raphaël Dacharry (Alias Léon).
Francis
J’ai
volontairement gardé le « meilleur » pour la fin, j’ai nommé Francis Saint
Laurent.
Francis était un enfant du quartier, il avait racheté le bar à « Agna », et l’avait rebaptisé « Chez Francis » (aujourd’hui Le Machicoulis).
Très
tôt le matin, Francis ouvrait son bar à la hâte, non pas pour être opérationnel
rapidement, mais plutôt pour pouvoir mettre à l’eau ses deux lancers lourds
juste devant l’établissement, dans l’espoir de capturer la louvine du siècle.
Il
faut dire que tenir un bar pour un pêcheur de louvines, ça se tient !
Une
fois pleinement opérationnel, c’est-à-dire les cannes à l’eau, Francis revenait
derrière son comptoir, non sans jeter un œil régulier (env. toutes les 10
secondes) aux scions des deux perches qui trônaient devant son établissement.
Bien
entendu cette double casquette (cafetier/pêcheur) avait tendance à impacter
légèrement la rapidité du service, surtout… surtout lorsqu’il avait détecté une
touche !
Toujours sur Francis…
Je me souviens avec amusement des véritables crises qu’il attrapait, et qui se traduisaient par d’énormes manifestations sonores, lorsque les guirlandes des fêtes étaient installées, cela mettait à bas son légendaire coup de poignet, lors de ses non moins légendaires lancers.
Je
conclurais en précisant que Francis était vraiment un bon gars, que j’ai eu
beaucoup de plaisir à échanger avec lui durant de nombreuses années.
Pour
celles et ceux qui auraient reconnu l’un des protagonistes, je suis preneur de
tout anecdote à transmettre.
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