Si le carreau des Halles d’antan (et peut-être encore d’aujourd’hui) fleurait bon la camaraderie, l’ardeur à la tâche et la solidarité, il existait une pratique relativement fréquente et bien peu avouable qui aujourd’hui choquerait beaucoup de monde…
Pour ceux qui ne le savaient pas, les locaux des quais autour des Halles étaient principalement occupés par des grossistes en fruits et légumes, certains opéraient entre minuit et midi, d’autres débutaient vers 4 ou 5h du matin.
A minuit arrivaient les camions gorgés de marchandises (il arrivait même qu’il y en ait dans la cabine, si…si, je l’ai vu), les chauffeurs les garaient devant chez le grossiste concerné, et les ripeurs entraient en action.
Dès lors commençait le déchargement manuel, je ne vous cache pas qu’il fallait une bonne dose de courage et d’endurance, surtout en hiver.
Toutes les marchandises déchargées étaient stockées sur des petites palettes, qui étaient elles-mêmes alignées sous les arceaux en vue d’être présentées aux détaillants et semi grossistes, qui commençaient à arriver sur le coup des 3 ou 4h selon les jours de la semaine.
Une fois les camions déchargés, il fallait faire le « tour des frigos », c’est-à-dire y repérer les lots de marchandises invendus, et qui en raison de leur état avancé avaient peu de chance de l’être…
Il fallait alors extraire ces piles de fruits et légumes des chambres froides, afin de les stocker à part, à l’extérieur, en attente…
Une fois les camions déchargés et avant que les premiers détaillants n’arrivent, ces piles de fruits et légumes considérés (parfois à juste titre, parfois…) comme impropres à la consommation, étaient acheminés au bord de la Nive, avant d’être expédiés manu militari dans les flots sombres.
C’étaient alors des centaines de kilos qui passaient régulièrement « à la baille » selon l’expression d’usage à l’époque, il va de soi que les emballages en bois ainsi que les papiers les y accompagnaient…
Bien entendu, tous les grossistes n’agissaient pas de la sorte, bien au contraire, mais certains, surtout un que j’ai bien connu s’en était fait une « spécialité ».
J’imagine les cris d’orfraie tout à fait justifiés que l’on entendrait si cela se produisait de nos jours !
J’avoue que gamin, lorsque j’avais assisté la première fois à ce (triste) spectacle, j’avais été particulièrement choqué, je ne devais pas avoir plus de 10 ou 11 ans, et je m’en souviens encore…
Je rajouterais que la plupart des poissonniers des Halles procédaient de même avec les invendus devenus invendables, mais là c’est une autre histoire.
En effet, beaucoup y trouvaient leur compte, tout d’abord les poissons et autres crevettes peuplant la Nive attirés par cette profusion soudaine, mais aussi et surtout les pêcheurs qui attendaient précisément ce moment pour commencer leur session.
Il suffisait de jeter un coup d’œil au contenu de leur besace, pour comprendre qu’ils ne pouvaient manquer ce moment !
Voilà je voulais juste essayer de faire preuve d’objectivité en démontrant que, même si j’étais et suis encore très attaché à ces Halles d’antan, il existait çà et là certaines pratiques que je réprouvait, et qui par bonheur n’existent plus aujourd’hui, en tout cas aux halles de Bayonne…
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