Depuis la nuit des temps et jusqu’au début des années 80, le carreau des Halles de Bayonne était, dès minuit et jusqu’aux environs de 13h, une véritable fourmilière, une véritable ville dans la ville.
Les halles d’aujourd’hui n’affichent qu’une bien pâle activité, au regard de ce qu’elle fût…
Une grande partie de ma famille à majorité des commerçants, y a exercé durant de nombreuses générations, en ce qui me concerne, on m’y a emmené pour la première fois alors que j’avais 17 jours (anciennes halles), et j’en suis reparti à 20 ans (marché-parking).
Au-delà des commerçants qui étaient répartis sur les deux premiers niveaux de l’ancien « Marché-parking », les maraichers ceinturaient déjà la Nive, non seulement devant les Halles mais également sur les ponts Marengo et Pannecau, de nombreux grossistes étaient déployés tout autour des quais, ces derniers employaient de non moins nombreux « ripeurs » pour le déchargement manuel des camions regorgeant de fruits et légumes, et en provenance directe des marchés de gros d’Agen, Perpignan ou Brienne (Bordeaux).
Fin des années 70, nous étions plus de 150 ripeurs, certains débutaient leur journée à minuit, d’autres un peu plus tard, mais jamais après 4h.
La plupart achevaient leur (dur) labeur à midi, du lundi au samedi en été.
Les quais et le dessous des arceaux étaient alors quasi entièrement recouverts de piles de cageots soigneusement alignés sur les petites palettes en bois, et permettant aux détaillants de toute la côte et autres restaurateurs de venir faire leurs achats, s’engageait alors invariablement une négociation qui valait le détour…
Le samedi devant la grille d’entrée des Halles, les fourgons alignés selon l’ordre des étals, attendaient que le placier procède à l’ouverture à 4h pile.
Une fois entrés, tout le monde s’affairait à décharger et installer rapidement, car les premiers clients avaient leurs habitudes sur le coup de 6h.
Les stands, entièrement démontables devaient être réinstallés tous les matins.
Je m’amusais souvent à observer nos voisins commerçants, faisant leurs traditionnels allers-retours, tentant d’un coup d’œil furtif de calibrer leurs prix sur ceux de leurs voisins, il s’agissait-là d’un rituel immuable.
Une autre habitude consistait à se signer avec dans la main l’argent de la première vente du jour constituant « les étrennes », et qui devait porter chance pour la matinée.
Ces commerçants étaient notamment, Yvonne Lacaze et sa fille Francette, Marguerite Laricq, Jeanne et Louis Servon, Lucienne Sanchez alias « Lulu » et son mari, Les époux Larrieu et leur fils « Jeannot », Hélène Lecuona et son mari, Henry Lesca et son épouse, ou encore la famille Padilla…
Les grossistes quant à eux, s’appelaient notamment : Pierrot et Liliane Romatet, Jacques et Mireille Saldou, Jean-Claude Lacondéguy et Jacques Quintal, Ernest Burnier, De Juan et Garcia, M. Blaise, Bernadet, Yves Metge, Marcarie, etc…
Je me souviens de cette époque, je me souviens de toute cette effervescence !
Oui mais… cette effervescence c’était avant… avant que la grande distribution ne vampirise « le marché » de façon irrémédiable, les grossistes ont licencié les ripeurs au fur et à mesure, avant de disparaitre à leur tour. Ce processus n’aura pas pris plus de quelques années.
40 ans après, j’ai souvent une pensée émue teintée d’une pointe de nostalgie, pour ces moments passés tous ensembles, pour cette ambiance laborieuse, pour cette amitié sincère, et pour ces anciennes Halles ou donner un « coup de main » était une évidence pour toutes et tous.
Une époque haute en couleur qui se dépeint aujourd’hui en noir et blanc, et que malheureusement le cœur de notre Bayonne a perdu à jamais.
Si cet article vous a plu, abonnez-vous à « Bayonnades » et recevez directement les nouveaux articles par email !